L’entrepreneur individuel est défini comme toute personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes (C. com. art. L 526-22 nouveau, al. 1). Cette définition large vise tant les commerçants, les artisans, les agriculteurs que les professions libérales, même réglementées. Division du patrimoine de l’entrepreneur individuel Actuellement, sauf s’il a opté pour le statut d’EIRL, un entrepreneur individuel ne dispose que d’un seul patrimoine, composé tant de biens personnels que de biens professionnels. Avec le nouveau statut, les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel sera titulaire et qui seront utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constitueront son patrimoine professionnel. Sous réserve des règles relatives aux procédures collectives, ce patrimoine ne pourra pas être scindé. Les éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constitueront son patrimoine personnel (C. com. art. L 526-22 nouveau, al. 2). Les biens utiles à l’activité constitueront le patrimoine professionnel La distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorisera pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il sera le débiteur principal (C. com. art. L 526-22 nouveau, al. 3). La loi nouvelle prévoit par ailleurs la possibilité pour le créancier dont les droits seront nés à l’occasion de l’exercice professionnel de l’entrepreneur individuel d’obtenir conventionnellement des sûretés mais celles-ci ne pourront pas prendre la forme d’un cautionnement. L’une des mesures phares de la loi 2022-172 du 14 février 2022 est la création d’un statut unique protecteur pour l’entrepreneur individuel, dont le patrimoine sera de plein droit scindé entre biens personnels et biens professionnels. Pour ce faire, de nouvelles dispositions sont insérées dans le titre II du livre V du Code de commerce, désormais intitulé « De la protection de l’entrepreneur individuel » (C. com. art. L 526-22 à L 526-26 nouveaux ; Loi 2022-172 art. 1). L’objectif est de concilier l’aspect protecteur offert par l’actuel statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) avec la simplicité de l’entreprenariat individuel. La protection du patrimoine personnel peut aussi être assurée par la création d’une SARL unipersonnelle (EURL), le patrimoine de celle-ci ne se confondant pas avec celui de l’entrepreneur, mais la constitution d’une société engendre des formalités et des coûts. En outre, alors qu’en cas de constitution d’une SARL les créanciers peuvent demander au fondateur un cautionnement des engagements sociaux sur ses biens personnels, ils ne pourront pas demander une telle garantie à l’entrepreneur individuel. Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 14 mai 2022 ; elles s’appliqueront à tous les entrepreneurs individuels en exercice mais uniquement pour les créances qui seront nées à compter de cette date ; un décret précisant les conditions d’application du dispositif devra toutefois avoir été publié pour permettre cette entrée en vigueur (Loi 2022-172 art. 19, I) Exceptions à la limitation du gage des créanciers 14. Outre la faculté de consentir au « créancier professionnel » des sûretés conventionnelles ( no 9), l’entrepreneur individuel pourra renoncer à la limitation du gage des « créanciers professionnels », sur demande écrite de l’un d’eux, pour un engagement spécifique dont ce dernier devra rappeler le terme et le montant, qui devra être déterminé ou déterminable. La renonciation devra respecter, à peine de nullité, des formes qui seront précisées par décret. Elle ne pourra intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion de 7 jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation. Quand l’entrepreneur individuel fera précéder sa signature de la mention manuscrite qui sera énoncée par décret et uniquement de celle-ci, le délai de réflexion sera réduit à 3 jours francs (C. com. art. L 526-25 nouveau). L’entrepreneur pourra renoncer à la limitation du gage des créanciers professionnels Signalons qu’aucun mécanisme d’information des coïndivisaires ou du conjoint de l’entrepreneur individuel marié sous le régime de la communauté n’est prévu par le texte en cas de renonciation à la séparation des patrimoines. 15. Le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale portera sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel (C. com. art. L 526-24 nouveau) : • - en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales au titre de son entreprise ou à titre personnel ou d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales au titre de son entreprise, la réalité de ces agissements n’ayant plus à être constatée au préalable par le juge (LPF art. L 273 B et CSS art. L 133-4-7 modifiés ; Loi 2022-172 art. 4) ; • - pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux (sauf option de l’entrepreneur pour l’impôt sur les sociétés : CGI art. 1655 sexies), ainsi que pour le recouvrement de la taxe foncière afférente aux biens utiles à l’activité professionnelle, dont l’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal sera redevable (LPF art. L 273 B, III modifié) ; • - pour le recouvrement par les organismes de sécurité sociale de l’impôt sur le revenu dû par les micro-entrepreneurs (versement forfaitaire libératoire) ou des contributions sociales (CSG et CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement) (CSS art. L 133-4-7, al. 2 modifié). Les conditions d’application de ces dispositions au profit du fisc et des organismes sociaux seront précisées par décret. Risques d’insécurité juridique Le sort des créanciers risque de se complexifier, au regard de la multiplication des situations qui vont naître du nouveau statut de l’entrepreneur individuel. Une concurrence entre créanciers d’activités professionnelles distinctes pourrait s’établir puisqu’ils disposeront tous d’un droit de gage général sur le patrimoine professionnel unique de l’entrepreneur individuel, celui-ci ne pouvant pas être scindé, contrairement au régime de l’EIRL. En outre, coexisteront de nombreuses hypothèses dans lesquelles la dualité des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel ne sera pas applicable. Certains créanciers bénéficieront encore d’un droit de gage général portant sur l’ensemble des biens de l’entrepreneur, comme les créanciers dont la créance sera née avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle les créanciers dont la créance sera née avant le début de l’activité professionnelle de l’entrepreneur , les « créanciers professionnels » au bénéfice desquels l’entrepreneur aura renoncé à la scission de son patrimoine ou encore l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale . D’autres créanciers disposeront d’un droit de gage sur une partie seulement des biens de l’entrepreneur : les créanciers personnels bénéficiant d’une sûreté réelle, consentie avant le début de l’activité professionnelle, sur un bien devenu professionnel, les créanciers personnels qui pourront exercer leur droit de gage sur des biens professionnels en cas de patrimoine personnel insuffisant, dans la limite d’un certain montant , ou les « créanciers professionnels » auxquels l’entrepreneur aura consenti une sûreté sur ses biens personnels . Ces droits de gage différenciés, combinés au manque de clarté de la démarcation entre patrimoine personnel et patrimoine professionnel paraissent aux juristes source d’insécurité juridique. Biens communs et biens indivis La loi nouvelle précise que ses dispositions relatives au statut de l’entrepreneur individuel s’entendent « sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer » (C. com. art. L 526-26 nouveau). Il semble en résulter qu’un bien commun pourrait intégrer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sans que son conjoint ait nécessairement donné son accord ou même en soit informé, à l’inverse de ce qui est prévu pour l’EIRL (C. com. art. L 526-11). En effet, chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer et l’époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d’accomplir les actes d’administration et de disposition nécessaires à celle-ci, à l’exception de certains actes (comme la cession d’un fonds de commerce ou la signature d’un bail commercial) (C. civ. art. 1421). Par ailleurs, la problématique des biens indivis n’est pas abordée par la loi nouvelle. Au contraire du régime de l’EIRL, l’accord des coïndivisaires pour affecter un bien indivis au patrimoine professionnel et leur information préalable concernant les droits des créanciers ne sont pas non plus exigés par le nouveau texte. Rappelons que les créanciers d’un indivisaire ne peuvent pas saisir sa part dans les biens indivis mais ils ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui (C. civ. art. 815-17). Cessation de l’activité de l’entrepreneur individuel Dans le cas où un entrepreneur individuel cessera toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel seront réunis. Il en sera de même en cas de décès de l’entrepreneur individuel, sous réserve de l’éventuelle application des dispositions sur le redressement et la liquidation judiciaires prévues aux articles L 631-3 et L 640-3 du Code de commerce (C. com. art. L 526-22, al. 8 nouveau).
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